La campagne d’Égypte (1798-1801)

1- Aux origines de la campagne…

Avec la Révolution de 1789, la France entre rapidement dans une situation de guerre totale avec ses voisins et en particulier la Prusse et l’Autriche. La levée massive de troupes permet à la Révolution de survivre. En 1797, Napoléon Bonaparte, jeune général révolutionnaire arrive à contraindre l’Autriche à signer la paix de Leoben puis de Campoformio suite à la campagne d’Italie.

L’Angleterre est désormais isolée et la France peut enfin respirer. Le Directoire, le système politique en place, décide de contre-attaquer en élaborant une stratégie antibritannique visant leurs alliés, leurs colonies et leur commerce. Deux solutions sont possibles, soit la France agit contre le Hanovre pour renforcer le blocus contre l’Angleterre, soit elle organise une expédition dans le Levant afin de menacer le commerce avec les Indes d’où l’Angleterre tire une grande partie de sa puissance.

Talleyrand (1754-1838), alors ministre des affaires étrangères, préconise la colonisation de l’Égypte. Il met en avant dans un rapport le fait que les Mamelouks y oppriment les commerçants français et les habitants égyptiens. De plus, cela permettrait de s’emparer de l’isthme de Suez, ce qui porterait un coup mortel au commerce avec les Indes. En effet, les bateaux anglais seraient dans l’obligation de contourner l’Afrique et ne pourraient plus passer par la Méditerranée.

Le Directoire prend donc la décision d’envoyer un corps expéditionnaire de 50 000 hommes en Égypte afin de remplir ces objectifs. C’est également l’occasion, en cette période troublée, d’éloigner le jeune général Bonaparte, de plus en plus populaire. À des fins de propagande et pour ne pas froisser leurs alliés ottomans, les Français se présentent comme les libérateurs du peuple égyptien de la tyrannie mamelouke, pour restaurer la suzeraineté des Turcs.

 

2- La traversée

Commandée par la général Bonaparte, une armée composée d’environ 50 000 hommes, 1 200 chevaux et 170 canons, se rassemble et embarque à Toulon, le 19 mai 1798. La flotte française est nombreuse, mais constituée majoritairement de bateaux de transport, qui ne sont pas adaptés au combat. Les eaux de la mer méditerranée sont alors dominées par les navires anglais dirigés par l’amiral Nelson.

Après Toulon, la première destination est Malte afin de se ravitailler en eau. Malte autorise le ravitaillement mais seulement pour quatre navires à la fois, ce qui est trop long pour les troupes françaises. Cela fait le jeu des anglais qui ont appris qu’une flotte est partie du sud de la France. Bonaparte ordonne ainsi l’investissement de l’île. Les troupes maltaises sont peu nombreuses et désorganisées, face à une armée de métier. De plus, Bonaparte bénéficie d’un espion sur place qui le renseigne sur les faiblesses de la ville fortifiée. L’acte de reddition des maltais est signé sur L’Orient, le bateau amiral français le 10 mai 1798. L’armée peut désormais se ravitailler suffisamment rapidement. Les Français laissent une garnison sur place de 3 000 hommes commandés par le général Vaubois.

Le 18 juin, la flotte française quitte Malte et débarque à Alexandrie le 01 juillet 1798. Trois assauts sont nécessaires pour prendre la ville, les deux généraux Kléber et Menou sont blessés lors de l’opération, mais Bonaparte dispose désormais d’un point d’appui pour faire route vers le Caire.

 

2bis- La bataille navale d’Aboukir (01 août 1798)

L’amiral anglais Nelson a appris le départ de Toulon des troupes de Bonaparte et commence la course poursuite quelques jours plus tard. Il a conscience de la faiblesse des navires français et du manque de navires de combats adverses. Le nombre important de bateaux français pour la traversée provoque également leur éparpillement sur une grande zone, ce qui devrait faciliter leurs repérages. Nelson les cherche pendant sept semaines. Il se trompe d’abord sur leur destination, puis après la prise de Malte, il se rend sur place, essaye de les rattraper, les dépasse sans s’en apercevoir… Il arrive à Alexandrie deux jours avant Bonaparte et part immédiatement vers l’est à la demande des Alexandrins. En effet, il change d’avis et pense que le débarquement se fera finalement en Syrie. Le 28 juillet, l’amiral Nelson apprend qu’il a précédé Bonaparte de deux jours et que celui-ci se trouve désormais en Égypte depuis presque un mois.

Tandis que Bonaparte marche sur le Caire, le commandement est laissé au vice-amiral Brueys dans la baie d’Aboukir avec comme mission de conserver la flotte sur place afin d’en faire une éventuelle base de repli. Cependant Brueys manque de tout et en particulier de ravitaillement. Il envoie une partie de ses hommes chercher ce dont ils ont besoin sur la terre ferme. Le 01 août 1798, la flotte française est surprise au mouillage alors qu’elle manque de marins. Brueys meurt après avoir eu la jambe gauche arrachée par un boulet de canon qui tue également son capitaine en second Casabianca. Après cette bataille, plus de 6 000 hommes sont hors d’état de combattre côté français pour moins de 900 pour les Anglais. La flotte française est presque anéantie, seul quelques bateaux échappent au désastre. Bonaparte attribue l’échec à Brueys, qui n’a pourtant fait qu’obéir à ses ordres avec très peu de moyens.

La conséquence est désastreuse pour le corps expéditionnaire. Si l’on met de côté l’effet sur le moral des troupes, cette défaite coupe les Français de tout retour possible au pays, elle les prive également d’un moyen de transport utile pour l’artillerie, ce qui aura une influence sur la campagne et notamment plus tard en Syrie.

 

3- En route pour le Caire !

Après la prise d’Alexandrie, Bonaparte se dirige vers le Caire, il souhaite aller vite pour des questions opérationnelles, mais pour cela il doit traverser le désert. Il divise ses forces afin de tromper l’ennemi sur le vrai chemin qu’il souhaite prendre. Avec la chaleur, les soldats français ont soif, ils manquent d’eau et les citernes trouvées dans les villages sur la route sont insuffisantes. Cela est renforcé par l’inadaptation des uniformes et le manque de bidons pour transporter l’eau. À leur arrivée à Ramanieh, ils peuvent enfin résoudre plusieurs problèmes ; les subsistances, la sécurité rapprochée et le renseignement.

La première bataille d’importance a lieu à Chebreiss le 14 juillet 1798. Mourad Bey rassemble ses Mamelouks et ses soldats afin de couper la route du Caire. Pour cela il est soutenu par une flottille sur le Nil. Cette confrontation est importante pour redonner du moral aux troupes. « Le Directoire nous a déportés ! » entend-t-on dans les rangs. Les fantassins français se forment en carrés face aux cavaliers mamelouks, qui finissent par se retirer. Il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, le potentiel des deux armés n’a pas été entamé, mais la prochaine bataille sera décisive.

Le 21 juillet 1798 se déroule la bataille des pyramides, les troupes françaises rencontrent une nouvelle fois les Mamelouks dont la stratégie est de les désorganiser en les accablant sous le nombre et en les déconcertant par une myriade de mouvements individuels. Cela ne fonctionne pas à cause des carrés et les pertes sont lourdes.

La route du Caire est ouverte. Bonaparte s’empare d’autant plus facilement de la ville que le Sultan, représentant des Turcs dans la capitale égyptienne, est parti avec Ibrahim Bey, second chef mamelouk avec Mourad Bey. Une fois installé, Bonaparte prend en charge l’administration du pays. Il établit un grand diwan d’Égypte au Caire pour gérer le pays et veiller à l’ordre public. Il divise le pays en trois, Moyenne-Égypte pour lui, Basse-Égypte avec Kleber à Alexandrie et Desaix en Haute-Égypte, afin de la pacifier.

Cette ingérence n’est pas sans réaction égyptienne avec l’insurrection du Caire le 21 octobre 1798 qui met en danger la base de ravitaillement française. Le général Dumas, réputé pour sa force herculéenne et son énergie, mate la révolte dans le sang, tandis qu’en Haute-Égypte, Desaix poursuit Mourad Bey.

 

3bis - La bataille des Pyramides (21 juillet 1798)

La bataille d’Embabeh du 21 Juillet 1798 est avantageusement renommée bataille des pyramides par Bonaparte et appelée bataille du Nil par les Anglais. Les retombées sont immenses, pourtant elle dure seulement quelques heures, n’engage pas la totalité des forces en présence et les combats ne se déroulent pas au pied des trois pyramides de Kheops, Khephren et Mykérinos. Cependant, il est certain que cette victoire tactique permet d’ouvrir la route du Caire. À l’issue de la bataille, les principaux adversaires, Ibrahim Bey et Mourad Bey font retraites dans des directions différentes.

« Soldats ! Vous êtes venus dans ces contrées pour les arracher à la barbarie, porter la civilisation dans l'Orient, et soustraire cette belle partie du monde au joug de l'Angleterre. Nous allons combattre. Songez que du haut de ces pyramides quarante siècles vous contemplent. »

Le discours de Bonaparte et les réelles paroles prononcées sont soumis à discussion. Néanmoins, cette bataille va enflammer l’imagination des artistes et participer à la création de la légende napoléonienne. Elle sera exploitée à des fins de propagande afin d’assoir la légitimité du pouvoir de la dynastie des Napoléonides.

 

4- « Formez les carrés ! »

L’armée qui arrive en Égypte est majoritairement constituée de fantassins, peu de chevaux ont réalisé la traversée. Les Français pour pallier à ce manque de troupes montées chercheront des chevaux pendant toute la campagne et Bonaparte lui-même finira par créer le célèbre régiment des dromadaires.

A contrario, les Mamelouks sont des cavaliers légers accompagnés d’une infanterie égyptienne peu habituée aux combats. Ce qui peut paraître comme un désavantage de départ pour les soldats de Bonaparte, l’infanterie cédant souvent le pas devant la cavalerie, va être effacé, grâce à l’expérience des troupes françaises entrainées depuis plusieurs années par les incessants combats en Europe.

L’armée française disposait ainsi de remarquables règlements de manœuvres hérités de la réflexion du XVIIIe siècle sur la grande tactique. La cavalerie légère mamelouke, rapide et bien armée, doit faire face aux formations en carrés de l’infanterie, habituée aux charges des cavaleries lourdes prussiennes et autrichiennes. Les troupes de Bonaparte se forment en carrés dès qu’elles voient les Mamelouks en ordre de bataille et elles font tirer à la mitraille l’artillerie située aux angles des carrés. La cavalerie ennemie tournoie autour des formations françaises pour chercher une faille, mais n’en voyant aucune elle renonce. C’est la formation en carrés qui permet de remporter les batailles de Chebreiss et celle des Pyramides.

« Il y en eut une dizaine…[qui] traversèrent les remparts de baïonnettes, mais ils n’en ressortirent pas… et leur bravoure chevaleresque fut terminée en criant : Allah ! … »

François Durand, musicien à la 75e demi-brigade de ligne de la division Dugua

Le contraste est alors saisissant entre les uniformes usés et poussiéreux des Français, pratiquement tous à pied, et les costumes resplendissants et couverts d’or et de pierreries des Mamelouks montés sur de splendides chevaux.

 

5- La Campagne de Syrie (février-juin 1799)

Après la conquête du Caire et l’envoi de Desaix pour conquérir la Haute-Égypte, Bonaparte met en place une organisation administrative, conscient que la défaite d’Aboukir va obliger les Français à rester longtemps sur place. Il apprend alors qu’une armée conduite par le Pacha de Saint-Jean-D’acre est descendue jusqu’en Syrie à El-Arich, un fort frontalier, et menace d’envahir l’Égypte.

Bonaparte décide donc d’attaquer avant que son adversaire ne se renforce. Il s’oppose une première fois à l’ennemi le 19 février 1799 à El-Arich, puis commence à remonter lentement vers Acre. Sur la route, il s’empare successivement de Gaza, Rameleh, Jaffa, Meski, Haïffa… avant de mettre le siège devant Acre. Après deux mois, il échoue à s’emparer de la ville. En effet, il ne peut compter sur son artillerie qui parvient difficilement jusqu’à lui à cause de la maîtrise de la mer par les Anglais (conséquence directe de la défaite d’Aboukir). Pendant le siège, Kléber et Bonaparte défont une armée ennemie venue porter secours à Acre lors de la bataille du Mont-Thabor, le 16 avril 1799.

Bonaparte prend la décision de rebrousser chemin. En effet, il est informé qu’une nouvelle armée ennemie se prépare à débarquer à Aboukir et que ses lignes arrières sont harcelées par les Anglais. Le 25 juillet 1799, Bonaparte arrive à Aboukir et remporte la victoire face à des troupes anglo-ottomanes bien supérieures en nombre. Les pertes françaises sont importantes puisque plus d’un homme sur dix aurait été tué ou blessé. C’est à ce moment que Bonaparte décide de rentrer en France car il apprend que la situation en Europe se dégrade militairement. Il fait armer deux frégates La Carrère et La Muiron, avec lesquelles il part dans le plus grand secret, le 23 août 1799.

 

6 – Soigner les blessés et les malades

Les Français ne doivent pas seulement combattre les Mamelouks, mais aussi faire face à un climat difficile aux fortes chaleurs et ce au milieu d’une population hostile. Ils s’enfoncent de plus en plus loin en Haute-Égypte ou rejoignent la Syrie en traversant à pied des zones désertiques, terrassés par la soif ou par l’insolation, aveuglés par l’ophtalmie et contaminés par les épidémies. Les historiens estiment qu’un tiers des effectifs périt sur place (soit environ 17 000 hommes sur les 50 000 de départ), dont un peu plus de la moitié à cause des maladies, dépassant ainsi les pertes au combat.

Lors de la campagne deux médecins se démarquent. Il s’agit d’abord de Desgenettes (1762-1837), médecin en chef de l’expédition. En Syrie, il doit faire face à la peste de Jaffa, épisode devenu célèbre, grâce à un tableau de Gros. En effet, suite au siège avorté d’Acre, Bonaparte doit abandonner Jaffa et les pestiférés qui s’y trouvent et demande à Desgenettes de les sacrifier à l’aide d’une forte dose d’opium, ce qu’il refuse. Plus tard, à des fins de propagandes, Napoléon se fait représenter en train d’apporter son aide aux blessés, le héros ne recule devant rien pas même devant la maladie. Cet épisode a été décrit par Dominique Vivant Denon qui accompagnait alors le jeune général.

Le second médecin est le baron Larrey (1766-1842), haut-pyrénéen de naissance (Beaudéan), il est chirurgien en chef dans l’armée. Il élabore sur place une ambulance pour blessés à dos de chameaux. Il est connu pour prôner les soins le plus tôt possible aux blessés sur les champs de batailles grâce à des ambulances volantes dont il fût le concepteur. Plus tard, il intégra sur ses armoiries d’empire des symboles de l’Égypte qui témoignent de l’impact important de cette campagne dans la société française du XIXe siècle.

 

7- Les régences de Kléber et de Menou (23 janvier 1799 – 02 septembre 1801)

Après le départ de Bonaparte, Kléber est nommé comme nouveau commandant du corps expéditionnaire. Il dispose d’une armée encore importante et n’est pas sans ressources. Les principales menaces ont été repoussées à Aboukir et les troupes mameloukes sont amoindries et dispersées. Cependant Kléber a conscience que la campagne d’Égypte a atteint ses limites politiquement et il commence à négocier une sortie honorable avec les Anglais et leur commandant Sidney Smith. Ces négociations aboutissent au traité d’El-Arich, le 28 janvier 1800, qui permet aux Français de quitter le pays et de retourner chez eux à bord de bateaux de la Royal Navy. Ce traité n’est cependant pas entériné par le gouvernement britannique qui pense les dernières forces françaises sur place en difficulté et qui ne souhaite pas le retour de ces troupes en Europe. Alors que Kléber est en train d’évacuer le pays, il apprend par Smith, désavoué par son propre gouvernement, ce retournement de situation. Sur la route de retour au Caire, il barre la route au grand Vizir, qui est venu avec une armée pour récupérer la capitale égyptienne. Kléber remporte la victoire à Héliopolis le 20 mars 1800. Il consolide ensuite sa position et cherche à reprendre la mer sans l’aide des Anglais. Il meurt assassiné le 14 juin 1800, avant d’avoir pu mener son plan à exécution.

Menou est alors nommé général en chef. À la différence de son prédécesseur, il essaye de mettre en place une colonie comme le préconisait Talleyrand dans son rapport de février 1798. Convertit à l’islam, il épouse une riche musulmane et se renomme Abdallah-Jacques Menou. Cependant, les Anglais dirigés par le général Ralph Abercromby débarquent à Aboukir avec 16 000 hommes tandis qu’une autre nouvelle armée ottomane arrive par l’Est. Menou prend successivement plusieurs mauvaises décisions qui aboutissent à la division en deux de l’armée française. Alors que Menou est replié à Alexandrie, une garnison de 13 000 hommes dirigés par le général Belliard est isolée au Caire. Celui-ci ne voyant pas de solutions de sortie, négocie une retraite avec les Anglais, le 27 juin. Menou résiste plus longtemps, mais se sentant abandonné et trahi, notamment par Belliard, il finit lui aussi par se rendre le 31 août 1801. Les négociations permettent aux derniers soldats de revenir en France, ce qui acte la fin de la campagne.

 

8- « La gloire des armes associée à la découverte artistique » Napoléon Ier

La campagne d’Égypte fut également une expédition scientifique. Plus de 150 savants, de nombreuses disciplines différentes, accompagnent les soldats. Parmi les plus célèbres se trouvent Gaspard Monge (mathématicien), Claude Berthollet (chimiste), Geoffroy Saint-Hilaire (naturaliste) ou encore Dominique Vivant Denon (dessinateur et graveur).

Ils participent à la campagne militaire en réalisant des cartes du pays, mais référencent également la faune, la flore et les monuments antiques. La Description de l’Égypte, une série de onze volumes dans différents formats, sera publiée à l’issue de l’expédition. Charles Louis Balzac (1752-1820) est l’un de ces nombreux savants accompagnant les soldats. Il fait partie de la commission des sciences et des arts de l’Institut d’Égypte et de la commission Costaz, chargée de faire l’exploration méthodique de la Haute-Égypte. En tant qu’architecte, il étudie les pyramides dont il en fait les dessins, reproduits dans La Description de l’Égypte.

L’expédition met également à jour la pierre de Rosette découverte à l’est du fort du même nom (et qui joue un rôle crucial lors de la campagne). Après le départ des Français, la pierre de Rosette reste en Égypte avant d’être rapportée au British Museum par les Anglais ou elle demeure encore aujourd’hui. Ainsi, Jean-François Champollion, ne travailla pas directement sur la pierre originale pour traduire les hiéroglyphes mais sur des retranscriptions prises lors de la découverte de la pierre. L’expédition a permis de faire naître l’égyptologie comme nouvelle science.

Au Caire, Bonaparte agit comme un réel administrateur du pays et crée l’Institut d’Égypte, le 22 août 1798, composé de quatre commissions ; Mathématiques, Physique, Littérature et Beaux-Arts, et Economie politique. Il s’inscrit lui-même dans la commission dédiée aux mathématiques. Après le retour en France, plusieurs anciens membres de l’institut vont se faire réaliser des épées commémoratives de leur appartenance à l’Institut, qui ne survivra cependant pas au départ des Français. Si la campagne militaire représente un échec sur le plan stratégique, le succès scientifique est lui bien réel, avec les nombreux savants qui se sont rendus sur place et ont cherché à tout analyser dans un esprit encyclopédique hérité du siècle des Lumières.

 

9- Souvenirs et propagande

Les soldats, les officiers et les scientifiques rentrent en France après trois ans sur place. Ils reviennent avec des objets et des souvenirs de ce pays hors norme. À l’instar d’autres campagnes, on voit apparaître une nostalgie autour des hauts faits d’armes, des batailles et des anecdotes sur ce qui s’est passé en Égypte. Les protagonistes vont valoriser le fait d’y avoir participé. Cependant, l’expédition scientifique, les monuments, le climat, les différences de civilisations rendent à ces souvenirs une teinte particulière. Rapidement Bonaparte, puis Napoléon Ier en tant qu’empereur, va les réutiliser à des fins de propagande.

L’Égyptomanie, courant de l’orientalisme, va naître à tous les niveaux artistiques, que cela soit en peinture, en gravure, en sculpture, en littérature, au théâtre, en chansons ou encore dans l’art de la médaille... Le style « retour Égypte » devient alors un art de cour officiel au même titre que le néoclassicisme. Cette égyptomanie s’observe dans l’armée avec la création du régiment des Mamelouks en 1801 (et leur suppression en 1815), dont le célèbre Raza Roustam, qui fut le majordome de l’empereur. Ce régiment est formé de Mamelouks que Bonaparte a ramenés avec lui. Il est un formidable facteur de propagande par la somptuosité de leurs uniformes et participe à de nombreux défilés sous le premier Empire (1804-1814). Cette égyptomanie militaire s’observe également avec les sabres dits à la Mamelouk reproduisant les sabres de ces combattants et qui commencent à fleurir pour les officiers à partir du Consulat (1799-1804).

 

10- Fin et continuité

Le traité de Lunéville du 09 février 1801 entérine l’effondrement de la puissance autrichienne en Italie, sa disparition du théâtre d’opération belge et la possession de la rive gauche du Rhin à la France. Moins d’un an plus tard, des préliminaires de paix sont signés avec l’Angleterre, le 01 octobre 1801. Cependant, ils arrivent trop tard pour l’Égypte ou les derniers soldats français sont partis depuis un mois.

Les Anglais ont remporté la victoire en terre étrangère, mais Albion, autre nom donné parfois à l’Angleterre, est épuisé et doit négocier avec la France. La Paix d’Amiens à mi-chemin entre Londres et Paris, est signée le 25 mars 1802. À l’issu de la campagne, l’Angleterre s’est faite protectrice de l’empire Ottoman et développe sa propagande au Levant, transformation notable dans les relations internationales sur la route de Suez et des Indes. Le 02 décembre 1804, Bonaparte est couronné en tant que Napoléon Ier, empereur des Français à la cathédrale Notre-Dame de Paris.

La campagne d’Égypte est parfois considérée comme les prémices d’une mondialisation des conflits européens qui vont progressivement se déplacer vers les colonies. La renommée de cette campagne tient son origine à sa réutilisation à des fins de propagandes durant le XIXe siècle, pour souligner le caractère exceptionnel de Napoléon Bonaparte et asseoir la légitimité de la dynastie des Napoléonides lors du premier et du second Empire.

Nous utilisons des cookies afin de vous proposer une meilleure navigation dans le site. Dans le cas ou vous refusez l'utilisation des cookies, les fonctionnalités du site peuvent être altérées.